D’une valeur inestimable, un film qui allie avec un rare équilibre une histoire racontée avec beaucoup de tact et une mise en forme d’une grande élégance.
Le réalisateur nous avait habitué à des récits construits de façon originale, non pour le plaisir de l’esbrouffe, mais pour que le chapitrage ajoute du sens en rapprochant des moments d’actualité à d’autres qui sont des réminiscences. Julie (en 12 chapitres) avait déjà toutes les qualités que l’on apprécie à nouveau comme une dégustation, scandée par des écrans noirs qui marquent les césures dans le récit enrichi parfois par une voix off.
Le début de film nous fait découvrir une maison familiale, impressionnante, exprimant une forte personnalité avec d’élégants aisseliers rouges sous la toiture.
Nous retrouverons cette maison pour clôturer le film mais nous comprenons rapidement qu’elle est l’enjeu central d’un héritage, pas tant financier, mais très émotionnel car c’est là que refont surface les traumas du passé. Et l’actrice principale le proclame : « Je veux trouver ma place ». Ce qui ne sera pas simple car le père de famille, longtemps disparu, revient et subtilement fait peser sur ses filles un poids immense, celui de la mémoire qu’il exprime dans un scénario de film qu’il ambitionne de réaliser, mais dont nous ne connaîtrons jamais le contenu.
Tous les acteurs sont d’une parfaite évidence qui fait oublier qu’ils sont des acteurs. Et un gosse de 9 ans ajoute à cette spontanéité naturelle.
La caméra souvent tenue à la main fait ressentir, en particulier dans les gros plans des visages, cette subtile vibration qui exprime les émotions intenses que nous partageons comme si elles étaient nôtres. Et certaines sont en lien avec l’évocation du camp de concentration de Grini, situé à la périphérie d’Oslo où furent torturés par les nazis e.a. des prisonniers politiques.
D’une construction complexe, le film s’impose comme une évidence, celle des vies qui nous sont dévoilées, d’une immense valeur sentimentale.