Gloria Mundi de Robert Guédiguian
Ainsi passe la gloire du monde. Cette expression latine est un rappel à la modestie dont il ne faut jamais se départir, quel que soit la gloire à laquelle l’on croit parfois pouvoir prétendre. Ce film fait un usage subtil de l’expression car le prénom Gloria est utilisé, mais aussi les personnages dépeints sont bien loin de la gloire…Le 21e film de ce réalisateur singulier, militant de gauche, creusant inlassablement son sillon dans le monde des gens modestes, de Marseille, ajoute à cette œuvre dont j’avais commenté déjà Une histoire de fou et La Villa et que j’ose qualifier de ” cinéma naturaliste “, un peu comme celui de Ken Loach, au risque d’enclencher un débat de critiques, d’historiens et d’esthètes qui vont s’aboyer dessus.
Bref, vous êtes prévenus, nous sommes plongés dans une réalité sociale on ne peut plus modeste, humble et difficile. L’histoire n’est pas à raconter car c’est sa découverte qui fait le charme du récit admirablement incarné par la garde rapprochée du réalisateur, avec les habitués telle Anaïs Demoustier dont j’avais tant admiré le talent dans e.a. Alice et le Maire. Les liens familiaux sont complexes, les vies de chacun, rudes et le tableau social qui en est fait m’a semblé très proche d’une réalité rarement montrée dans les films, celle de petites gens. Selon moi la valeur du film tient essentiellement à cette entrée, presque par effraction, dans un univers social pas ou très peu médiatisé. Et tellement proche de nous tous, même s’il reste l’univers “des pauvres gens” qui, au quotidien, essayent de s’en sortir, sans couler. Alors les spectateurs qui préfèrent les bobos des beaux quartiers, les histoires de couple qu’on étale comme de la confiture sur une tartine rassie risquent de rester sur leur faim. Ici, nous sommes dans un univers de gens qui rament, comme ils peuvent et sans gloire.
Beaucoup d’éléments du scénario, beaucoup de choix musicaux, beaucoup de rebondissements dans la narration, de brefs dialogues politiques, seront, par certains, considérés comme lourdingues. Car c’est vrai, on préfèrerait ne pas devoir les entendre.
Allez les écouter. Et pas seulement pour la gloire.
The Two Popes Fernando Meirelles
Ce film est savoureux comme un prêche malicieux. Il démarre au décès de Jean-Paul II et nous décrit d’abord deux choses. Les prêchi-prêcha de la curie romaine en conclave. C’est amusant, très documenté et filmé dans des lieux somptueux. Ensuite, les propos tenus donnent une dimension politique forte aux orientations de l’église, non sans un certain humour. Nous savons que c’est le pape allemand, celui qui a porté l’uniforme nazi, qui gagnera cette bataille. Mais il va préparer la mise sur le trône de son successeur et ennemi juré, qui lui aussi a fréquenté d’un peu près une dictature en Argentine.
C’est à cette période très intéressante que le film est essentiellement consacré. L’intérêt a, me semble-t-il, une double source : l’intimité des dialogues qui sont superbement menés. Et l’immersion assez surprenante dans l’histoire de l’Argentine, celle de la dictature terrible durant laquelle le futur pape, jeune encore, est décrit de façon nuancée, bien documentée et tout à fait passionnante. Les vaticanistes auront certainement mille commentaires à faire; ne fréquentant pas ces milieux, l’image qui m’en est donnée dans ce film m’a semblé très richement documentée et scénarisée avec une particulière intelligence cinématographique, parce que l’on se réjouit de trois choses en même temps dans le cours du film : le récit du destin de deux hommes, l’intérêt de la vie de cet état minuscule et médiéval qui continue à empoisonner plus d’un milliard de croyants dans le monde (voyez les allusions à la banque du $aint esprit et à la pédophilie) et l’interprétation brillantissime des deux acteurs. Jonathan Pryce ( The Man who killed Don Quixote entre de nombreuses autres distributions) et Anthony Hopkins, un immense acteur aussi, qui joue professionnellement du piano, ce qu’il met au service de ce rôle de Benoît XVI.
Le metteur en scène brésilien s’impose dans ce film, comme un grand cinéaste, lui qui semble avoir peiné à s’imposer durant une carrière déjà longue.