Le Quatrième Mur de David Oelhoffen
Quelle connerie la guerre comme le disait Prévert (et tant d’autres), mais le théâtre peut-il être plus fort que la guerre ?
C’est le défi que tente de relever ce Français qui débarque en 1983 à Beyrouth en essayant de mettre en scène l’Antigone de Jean Anouilh avec un casting issu de toutes les communautés qui s’étripaient dans une des pires guerres civiles (comment une guerre peut-elle être civile ?) de cette fin de XXe siècle.
La pièce choisie fut créée à Paris sous l’occupation en février 1944, choix hautement symbolique puisqu’elle raconte la lutte de la fille d’Œdipe contre son oncle Créon qui refuse la sépulture à l’un de ses neveux, frère d’Antigone car les deux frères se sont étripés pour pouvoir régner. L’un d’eux, Polynice, étant considéré comme un renégat, ne pourra pas être enterré. L’affaire se terminera tragiquement, le fiancé d’Antigone étant le fils de Créon et les morts font s’enchaîner.
Sans être une parabole servile de cette pièce, le film actualise très à propos certains de ses fondamentaux que vous découvrirez à l’écran.
Le scénario est inspiré du récit de Sotj Chalandon croisé déjà comme scénariste pour Profession du père. David Oelhoffen signe ici son quatrième long métrage, tous marqués à la testostérone et à l’adrénaline. C’est vous dire que l’on ne s’ennuie pas.
La grande habileté et l’intérêt du film tient essentiellement dans le rappel tragique de cette guerre libanaise entre factions infestées de croyances religieuses serviles. Et bien entendu un voisinage plus que problématique avec Israël, l’évocation du massacre de Sabra et Chatila étant, dans le film, l’un des points de basculement.
L’utopie qui anime cette troupe de comédiens nous permet aussi d’apprendre ce qu’est le quatrième mur, une façon de désigner sur une scène de théâtre le mur manquant, l’ouverture vers le public.
Un film à voir absolument au moins pour se rappeler, ou pour les plus jeunes, découvrir, une tragédie qui aujourd’hui encore, connait de graves et douloureux prolongements.
Maldoror de Fabrice Du Welz
Mal d’horreur qui ne doit rien à Lautréamont : c’est le nom de code d’une opération policière imaginée pour faire démarrer le film.
Ce réalisateur est connu pour son goût des sujets glauques et, aux yeux de certains, pour son talent. Ce film en est un nouvel exemple après Alléluia, Adoration et Inexorable et pour être complet, Vinyan et Calvaire, son premier long métrage dont le titre annonce la suite.
La tentative ici est de faire un bon polar avec la gendarmerie, les antagonismes inhérents à ce type de métier et de personnalité, en puisant dans la si terrible affaire Dutroux, Himalaya d’horreurs dont il suffisait de découper les meilleurs morceaux.
La guerre des polices (locale et judiciaire ainsi que la gendarmerie) embrouille un peu le propos et est supposée justifier des comportements en uniforme qui deviennent grotesques par leurs outrances. Et le film tourne en une sorte d’apologie du justicier solitaire dressé contre les réseaux criminels, style film revange.
Et je ne peux être d’accord avec le recours aux vérités alternatives pour pimenter le récit.
C’est d’un poujadisme trumpien, appuyé sur les ambiguïtés épinglées dans le scénario et soulignées lourdement e.a. par un gros plan sur le portrait du roi Albert II.
Après tant d’années d’enquêtes, de recherches, de témoignages, revenir avec l’hypothèse d’un réseau de pédophiles me semble faire affront aux victimes et à celles et ceux qui ont traité cette affaire. Les reproches à leur adresser sont d’un autre ordre.
Proclamer que la vérité judiciaire cache une abomination ne me parait ni étayé ni défendable ni honorable.
On ne peut revendiquer la liberté de la fiction et adopter un style documentaire qui fait croire à des secrets qu’il faut dénoncer. C’est un poison qui percole aujourd’hui sur tous les réseaux.
Ce qui donne un aspect « documentaire » au film c’est le traitement de l’image, les décors, la manière de bouger la caméra et les interventions télé. C’est assez réussi comme l’est l’ambiance « populaire » durant le mariage en particulier, mais l’on ne comprend pas pourquoi cette séquence d’installation est à ce point tirée en longueur.
La musique m’a semblé extraordinairement insupportable, redondante et d’une lourdeur qui souligne le côté très malaisant de ce film.
Et il est permis de penser que choisir le martyr des enfants assassinés par leur mère, martyrisés par un pédophile (à quand Fourniret et sa charmante épouse ?) sont des démarches essentiellement inspirées par le marketing, le goût du sensationnel. Et le résultat n’apporte rien au-delà du voyeurisme et n’est jamais sensationnel.