Heretic
de Scott Beck & Bryan Woods
Le parfait exemple d’un film soigné, classique comme un récit de fantôme pour effrayer les enfants avant de leur souhaiter une bonne nuit. C’est convenu et sans aucun intérêt. Sauf celui, chaque fois renouvelé, de démontrer que prier ne sert à rien.
Cependant le début du film est sensationnel : deux jeunes femmes, assises côte à côte sur un banc sont filmées de dos puis de face et l’on écoute leur dialogue plus qu’étonnant pour deux jeunes religieuses mormones qui reprennent leur souffle avant de continuer leur labeur de prosélytes, poussant leurs vélos, distribuant leurs tracts et sonnant à des maisons avec l’espoir d’être reçues.
Ce qui est le cas chez Hugh Grant qui va s’occuper de ces jeunes filles avec une onctuosité pleine de prévenance. Et la conversation portant sur les croyances, les religions et leurs diverses formes, ces jeunes filles se pensent en terre fertile pour accomplir leur mission. Évidemment tous cela va déraper d’une façon assez convenue et peu intéressante.
Des propos iconoclastes sont échangés, mais ils n’intéressent personne.
Bien entendu la situation évolue vers des moments dont la raison d’être est l’effrois. Mais tout cela est tellement carton-pâte que l’on n’éprouve que de l’ennui. Si l’hérésie est l’opposé de l’orthodoxie, le film a mal choisit son titre, car plus orthodoxe que cela, il n’y a pas dans le registre de l’épouvante.
Diamant brut
de Agathe Riedinger
De l’anthropologie captée avec une vigueur exceptionnelle : sans doute jamais n’aurons-nous l’occasion de nous approcher au plus près d’une jeune fille, rude, qui utilise son corps pour se faire valoir comme influenceuse sur les réseaux sociaux.
Issue d’une mère très déboulonnée, ayant une sœur cadette dont elle se sent responsable, cette toute jeune femme essaye d’exister grâce aux moyens qui lui sont accessibles. Un peu de fauche en grandes surfaces, des petits commerces minables, des petits contrats d’influenceuse. Elle fera tout pour percer dans ce domaine de l’illusion qui se mesure en « likes » anonymes sur un téléphone portable qui semble être le seul lien accessible à cette pauvre fille. Un casting pour une télé-réalité va la faire rêver et attirer sur elle l’attention de ce public virtuel qui réagira avec toute la palette de la vulgarité et de la convoitise mélangée. Un peu de jeu de séduction avec les garçons de son âge, paumés eux aussi, ayant été placés, pour certains, dans des familles d’accueil, comme elle.
La comédienne qui assume ce rôle est incroyable de véhémence, d’une énergie débordante soulignée par des marches en tous lieux et à toutes heures, au risque de funestes rencontres qu’elle déjoue avec une agressivité de lionne. Rien que pour entendre les échanges de répliques, le film mérite la plus grande attention ; ce langage se différencie de plus en plus du français académique.
La réalisatrice avait déjà traité le sujet dans un format plus court (23 minutes) et elle le développe magistralement ici avec Malou Khebizi qui est éblouissante dans le rôle principal.
Ce film sera vu et apprécié par deux types de public au moins, celui qui se reconnaitra dans cette vaine quête d’une beauté stéréotypée valorisée par les réseaux sociaux et portée au pinacle par les émissions de télé-réalité, et d’autre part, les personnes qui n’ont pas accès à cet univers très codé dans lequel s’exerce un patriarcat phallocratique implicite et dégradant. Une sorte d’exploitation des corps semblable à celle du prolétariat par un capitalisme dévorant la chaire humaine. L’image étriquée (4/3) accentue encore ce sentiment de pression, d’enfermement de cette jeune femme au body langage exceptionnel. La bande sonore et la musique jouent un rôle important en accentuant certains sons assourdissants et en utilisant essentiellement le violoncelle pour teinter l’ambiance de cette tension douloureuse qui anime cette jeune femme qui veut, à toute force, s’en sortir. Et cela par le seul moyen qu’elle entrevoit pour elle, sorte de diamant brut à cliver, à fragmenter, à tailler, à polir, dans un long processus de brillantage évoqué par allusions multiples durant le récit lorsque la jeune fille s’approprie des (faux) brillants pour s’en parer. Ce film est un petit joyau.