La Petite de Guillaume Nicloux
Cet auteur de nombreux romans et réalisateur prolifique, tant admiré par moi pour La Religieuse et Les Confins du monde change une fois encore de registre et réussit admirablement ce film plus intimiste, contemporain. Il est inspiré du roman de Fanny Chesnel, Le Berceau qui sera évoqué symboliquement dans le film.
Le récit repose sur les épaules de Fabrice Lucchini qui m’a semblé exceptionnellement convaincant, mais aussi sur le talent impressionnant de Mara Taquin, remarquée déjà dans Hors normes, La Ruche , Rien à foutre , La Syndicaliste, e.a. qui sont les premiers jalons d’une carrière qui s’annonce de tout premier plan pour cette comédienne belge.
L’histoire très touchante, originale et admirablement menée est à découvrir à l’écran.
Elle met en jeu nombres de préoccupations très contemporaines liées à la famille, à ses joies, ses douleurs, ses incompréhensions mais aussi sa solidarité. La caméra très mobile et les éclairages d’Yves Cape donnent au déroulement du film un dynamisme qui nous rend presque participant des scènes qui se déroulent sous nos yeux.
L’un des charmes du film est la place qu’y occupe la Flandre (Gand et la côte) la langue flamande (Lucchini doit encore progresser !) et de nombreux et excellents acteurs néerlandophones de chez nous.
Ce n’est pas seulement pour faire « exotique » mais c’est parce que la Belgique, contrairement à la France, accepte la GPA, la gestation pour autrui.
Comme l’action se déroule sur plusieurs mois, l’évolution psychologique, le changement d’attitude des protagonistes sont tout à fait crédibles. C’est compréhensible, car les enjeux sont d’une rare importance pour les personnes, nombreuses, qui y sont confrontés.
Ce film fait partie de ceux que l’on risque de ne pas remarquer dans l’offre abondante actuelle, alors qu’il est remarquable. Ce genre de sujet intimiste, subtilement exposé par de petites séquences qui, les unes après les autres, révèlent l’ampleur des sujets et de leurs conséquences proposées à notre réflexion, me semble plus généralement traité par les cinéastes anglais. Nous retrouvons ici toute la bienveillante attention pour des êtres fragilisés par la vie, sans pour autant exclure l’humour, les échanges parfois vifs, tout ce qui atteste et de l’importance des enjeux (l’avenir de « La Petite ») et de la multiplicité des points de vue qui sont exprimés. La Petite est une grande réussite.
Banel & Adama de Ramata-Toulaye Sy
Un film sénégalais d’une admirable élégance, dans un climat d’austérité et de dépouillement total.
Nous partageons le quotidien d’un village isolé et très pauvre, durant quelques mois, dont les habitants vivent d’un cheptel famélique qui va succomber à cause de la sécheresse.
Un jeune couple s’aime ardemment mais leur amour est contrarié par le poids de la tradition et nous verrons comment, lentement, la religion (musulmane) va imposer ses absurdités et combien les croyances « magiques » vont empêcher que se développe cette relation que tout semblait devoir amener au bonheur.
Le film débute dans une sorte d’ambiance paradisiaque, l’eau est abondante, bleue, poissonneuse. Et progressivement la nature va devenir hostile et les relations interpersonnelles vont se détériorer, tant dans le couple que dans le groupe.
La réalisatrice d’origine sénégalaise a fait ses études à Paris, à la FEMIS et c’est son premier long métrage ; audacieux esthétiquement et narrativement ! La langue parlée par tous les acteurs non professionnels est le pulaar ce qui accentue encore notre plaisir de découvrir un univers rarement montré au cinéma où l’émancipation de la femme s’exprime aussi par l’usage d’une catapulte. En cette période où tant de gens, au péril de leur vie, fuient leur pays, il me semble important de découvrir d’où ils viennent et pourquoi ils nourrissent des espoirs fous d’un bonheur rêvé, d’un ailleurs différent.