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Le billet d’humeur de Francis de Laveleye

Drive My Car de Ryûsuke Hamaguchi 

Le récit est en deux parties. La première nous montre un couple amoureux, lui est metteur en scène et acteur, elle autrice. Vous apprécierez la façon dont lui viennent ses idées… Le film débute avec une allusion de En attendant Godot qui décidément inspire, comme dans Un triomphe. Ensuite c’est autour de l’homme que se focalise l’histoire lorsqu’il est invité à Hiroshima, deux ans plus tard, pour y monter la pièce de Tchekhov, Oncle Vania. Une pièce qui ambitionne de démontrer que ni l’argent ni l’amour ne donnent accès au bonheur. Soit.

Ce procédé qui consiste à donner du sens à un film par le biais d’œuvres théâtrales avait frappé déjà, e.a. dans The Salesman de Asghar Farhadi. C’est le reflet en quelque sorte de ce qui se déroule au présent. Et à propos de reflet, je me permets d’attirer votre regard sur un miroir placé étrangement dans l’appartement au début du film qui donne à voir « autrement ». Et le réalisateur ne se prive pas de nous pousser vers cela, trois heures durant. Jusqu’à attribuer l’un des rôles à une actrice non seulement muette, mais dont la langue est le coréen. Vous me direz que la voir « signer » dans cette langue ne perturbe guère plus que si c’était en japonais, la langue du film, mais celles du spectacle de théâtre sont nombreuses, sous-titrées au-dessus de la scène. Babel ? Le film est très bavard, et cela en devient lassant car l’histoire ne progresse que par les propos qui sont échangés. Les thèmes sont l’amour, la mort, la résilience…

Le réalisateur 濱口 竜介 a déjà sévit dans le cinéma de très long métrage avec Happy hours qui dure plus de 5 heures. Il est considéré comme l’un des plus importants cinéastes actuels ; faites-vous votre opinion ! Elle sera basée sur votre degré d’adhésion à ce type de discours qui se répand sans limite, qui pratique systématiquement la litote, le sous-entendu, le silence éloquent, l’expansion du temps et de l’espace par d’infinis déplacements en voiture, ce lieu fermé de recueillement, d’isolement et de réflexion. Vous aurez tout le temps de contempler deux visages impassibles, impavides, qui avancent dans la vie réduite, pour une part essentielle, à ce bocal sur roue qui permet de parcourir sont passé, aller vers son avenir en restant à l’écoute de ses émotions. Si elles arrivent à s’exprimer. Ce film est exigeant, adulé par les uns, incompris par d’autres et le plus simple est d’aller le découvrir. Aucun risque d’accident ! 

Maigret de Patrice Leconte  

Maigrichon. Un film superbement photographié, mais un peu sombre, certes comme le veut l’histoire, mais surtout pour favoriser les zones de hautes lumières. C’est un style métaphorique original, un peu appuyé mais qui bien souvent est intéressant à analyser au-delà des simples fenêtres à contre-jour. Yves Angelo, le chef opérateur sert le cinéma français depuis les années 90 avec un talent certain. Il le prouve à nouveau en exploitant des sources artificielles dans le cadre, qui donnent une ambiance singulière aux décors.

Depardieu est omniprésent, il n’a même pas le temps d’enlever son chapeau. Est-ce un clin d’œil au Piccoli de Le Mépris ou tout simplement un signe distinctif du personnage de légende… Il est entouré par un casting très bien choisi qui lui donne la réplique avec application. La mise en scène de Patrice Leconte, ce vieux routier du cinéma, est sans faille, mais sans grande originalité. C’est un travail classique de très bonne qualité dans le droit fil de Une promesse par exemple, avec les mêmes qualités de mise en œuvre, en particulier celles nécessaires à la reconstitution d’une époque, ici les années 50. Le festival des « voitures de collection » amusera les amateurs. Quelques intérieurs d’immeubles parisiens aussi évoqueront d’autres films en noir et blanc, d’une époque que la nouvelle vague a englouti. La musique épouse parfaitement les ambiances et contribue aux tensions successives qui sont supposées créer un suspens sulfureux.

Malheureusement l’impression de déjà-vu est dominante, ce qui est peut-être un argument en faveur du film : c’est du Simenon et les fans vont se régaler. Certains seront sensibles aussi à l’allusion ténue au deuil mal vécu de parents ayant perdu un enfant et à l’aspect vieux couple fidèle du héros et de sa patiente épouse. Et ils resteront bouche baie devant le stratagème final qui nous rapproche de Lourdes ou Fatima.

Le mystère qui n’est pas résolu dans ce film c’est l’emploi de l’argent public du tax shelter utilisé peut-être pour rémunérer les droits du Belge Simenon ?

 

Francis de Laveleye

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