S’il y a un Dieu, Scola a droit et pour l’éternité à la meilleure place du mort, celle à droite du seigneur. Au moins pour un film « Nous nous sommes tant aimés », récit drôle et poignant de la destinée d’un quatuor d’amis, d’abord saisis dans l’énergie, la poésie utopique et la lutte militante de leur jeunesse à la fin de la guerre et que l’on retrouve trente ans plus tard, l’un bourgeois affairiste, les autres flottant, survivant à un sort qui n’a pas été tendre pour eux. C’est du Chaplin version seventies, clownesque et pathétique. Servi par des comédiens sublimes, Gassman, Manfredi, Stefania Sandrelli et Stefano Flores. Disons-le avec emphase, l’un des plus beaux films de l’histoire du cinéma, tout simplement !
« Nous voulions changer le monde mais le monde nous a changé » constate un des personnages. Quarante ans plus tard, ce film n’a rien perdu de sa pertinence, de sa magie et de son émotion. Et aussi du constat par l’art cinématographique de l’échec d’un certain mode de développement dans les pays démocratiques dans la deuxième partie du XX ème siècle.
La filmographie de Scola offre encore quelques bijoux comme « Affreux, sales et méchants », un récit bête et méchant dans un bidonville des environs de Rome où Manfredi se déchaîne, mêlant tendresse et cynisme, un cocktail détonnant. Il faut aussi se souvenir d’ « Une Journée particulière », un huis-clos superbe. Tandis qu’au dehors, retentissent les flonflons de la fête en l’honneur de la rencontre entre Hitler et Mussolini, dans un appartement, un intellectuel homosexuel au bord du suicide rencontre une femme paumée. Sublime face-à-face Mastroianni et Sophia Loren.
Dans la suite, Scola a perdu un peu de sa magie et son art de mélanger le rire et les larmes pour des récits plus démonstratifs, trop écrits en quelque sorte. Ce qui est un reproche un peu ironique à l’égard d’un cinéaste qui a d’abord été l’un des meilleurs scénaristes du cinéma italien, au service des meilleurs comédies de Dino Risi (« La Marche sur Rome », « le Fanfaron », « Il Matamore »).