Little Girl Blue de Mona Achache
Il n’est pas inutile de présenter la mère de la réalisatrice, Carole, née en 1952 qui est le personnage central de ce récit. La mère de Carole était écrivain sous le nom de Monique Lange, patronyme parfois utilisé par sa fille. Monique est issue d’une famille juive et elle passe son enfance en Indochine avant d’épouser Jean-Jacques Salomon, père de Carole. Monique épousera ensuite Juan Goytisolo un très important écrivain espagnol qui travailla à Paris, chez Gallimard et donc dans ce milieu d’intellectuel dont Jean Genet fut l’une des personnalités phare. Le beau-père de Carole partira vivre à Marrakech et y assuma son homosexualité. Il eut une brillante carrière dans le monde des lettres et de l’enseignement universitaire. Il écrivit, e.a. Et quand le rideau tombe en hommage à sa compagne. Décédé en 2017, il est enterré dans le même cimetière que Jean Genet.
La façon de désigner les homosexuels de « poisson-chat » est une invention de Monique Lange, une femme de talent, travaillant chez Gallimard. Elle a publié et collaboré avec des cinéastes comme Rossellini, Clouzot ou Losey. Bref une grand-mère de grand format pour Mona, la réalisatrice de ce récit. Monique Lange avait écrit sur son père, Cahiers déchirés, comme sa fille Carole le fit sur sa mère dans Fille de, et Mona après elles pour ce film.
Carole épousa Jean Achache, le père de Mona. Sa voix dans le film de sa fille est bien la sienne ! Cet homme de cinéma et de lettres fut e.a. assistant de Bertrand Tavernier dont on aperçoit fugitivement une photo lorsqu’est évoquée la carrière de Carole comme photographe de plateau. Elle a de nombreux rôles à son actif comme comédienne avec les réalisateurs de sa génération : Giovani, Costa-Gavras, Sautet, Boisset, Lautner, et d’autres.
Le décès de Carole est évoqué dans le film que sa fille lui consacre.
Ce film est nourri de documents écrits et photographiques retrouvés en vrac par la réalisatrice après le décès de sa mère. Et l’on sent bien que ce film est une tentative d’élucidation d’une personnalité singulière et douloureuse. Pour l’incarner Marion Cotillard fait une prestation exceptionnelle, d’autant qu’elle joue parfois en play-back alors que le texte entendu est issu de l’enregistrement de la voix de Carole. Un tour de force impressionnant.
Et c’est de l’entrelacement des éléments biographiques illustrés par ces enregistrements et documents, par des témoignages d’une part, et les scènes (re)vécues par l’actrice d’autre part que nait ce très étrange climat de recherche si non d’une vérité, au moins d’un sens de toute une vie. S’il faut un peu s’accrocher pour ne pas décrocher tant la narration est dense, le résultat n’en est pas moins fascinant.
Le titre du film est celui d’une chanson de Lorenz Hart sur une musique de Richard Rodgers. C’est la version de Janis Joplin qui s’entend dans le film, interprète dont le destin chaotique n’est pas sans analogie avec celui de Carole Achach. Un documentaire a été consacrée à cette chanteuse par Amy J. Berg, Janis : Little Girl Blue.
Une autre chose retient l’attention dans la mise en œuvre de ce récit, c’est le choix du studio pour l’essentiel des séquences. Ce qui permet de nombreux effets que vous apprécierez en les découvrant, chacun ayant un sens en lien avec les moments de cette sorte d’anamnèse cathartique, un travail qui n’est pas d’une petite fille et qui force l’estime.
La Promesse verte de Édouard Bergeon
Ce titre est celui d’un travail universitaire mené par un jeune homme que nous découvrons « sur le terrain » en Indonésie. Il est témoin des pires exactions pour réduire au silence les populations spoliées qui verront leurs terres transformées en palmeraies pour produire de l’huile de palme. Les images de la forêt primaire ont été tournées à Bornéo et le film en Thaïlande et bien entendu aussi en France.
Ce jeune homme va se faire piéger, mettre en prison et condamner à mort. Sa mère se lance dans un combat inégal pour obtenir sa libération dont elle comprendra très vite que c’est un enjeu politique qui la dépasse totalement.
Le récit en partie soutenu par la voix off du jeune chercheur, est très didactique et le déroulement de l’histoire, prévisible. Ce qui n’enlève rien à son intérêt car le sujet reste exemplaire d’une actualité qui se répète en maintes circonstances et endroits dans le monde.
Le film met clairement en lumière l’antagonisme entre la voie du soutien diplomatique, feutré, discret, et le recours aux médias et autres groupes de pressions issus de la société civile.
La turpitude des personnes ayant un intérêt dans la production de cette huile est bien mise en évidence alors qu’elle est nocive pour la santé car elle est susceptible d’augmenter le taux de mauvais cholestérol et d’accroitre les risques cardiovasculaires.
Et la production de cette huile est responsable d’une importante déforestation dans des conditions épouvantables.
Le réalisateur est un militant très engagé dans les causes liées à un domaine qu’il connait très bien, celui de l’agriculture. Nous avions admiré déjà Au nom de la terre et si le tax shelter est à nouveau sollicité pour un film qui n’a strictement rien de belge, au moins y retrouve-t-on des collaborateurs talentueux de chez nous.