Anatomie d’une chute de Justine Triet
Anatomie d’un couple, tel est le sens de ce film primé à Cannes car sans doute il n’y avait rien d’autre à se mettre sous la palme (d’or !). Certes le film est passionnant, mais d’une facture classique. Tout le monde a entendu l’histoire qui est simple : un couple vit sur les hauteurs de Grenoble avec leur fils de 11 ans, et un chien. Le mari est retrouvé mort suite à une chute depuis la pièce dans laquelle il effectuait des travaux. Accident ? Suicide ? Crime ? Tel est l’enjeu de l’enquête, puis dans la seconde partie, celui du procès.
Le traitement de l’intrigue m’a paru d’une remarquable agilité, bien écrit dialogué avec justesse, mélangeant les langues anglaise et française de façon intéressante.
La mère est interprétée par Sandra Hüller, décidément remarquable , imprévisible et insondable (Sisi und Ich). Elle était actrice déjà dans Sibyl de la même réalisatrice. Le fils est bouleversant, interprété par un jeune acteur qui a de l’avenir, Milo Machado Graner vu déjà dans En attendant Bojangles . Les deux jouteurs de prétoires : Swann Arlaud l’avocat et Antoine Reinartz l’avocat général, odieux et brillant, ont des échanges véhéments.
Outre Sibyl, nous avons vu déjà Victoria de cette réalisatrice qui aime investiguer les secrets de famille dans une ambiance à la fois policière et littéraire ; les deux parents dans ce film sont écrivains. Elle a tenu des propos surprenant lors de la remise de son prix à Cannes.
Elle a travaillé ce scénario avec son mari Arthur Harari réalisateur e.a. de Onoda (845), ce qui n’est pas anodin car un des aspects du scénario est précisément cette rivalité entre deux créateurs conjoints qui se transfusent plus ou moins inconsciemment ou explicitement les thèmes de leurs romans. Dans ce film, Harari interprète le critique littéraire, accentuant encore cette réflexion menée en sous-texte dans ce film, qui porte sur la paternité des idées échangées puis développées par l’un des deux, problème complexe surtout si le roman fait la gloire de l’un des deux seulement ! L’habileté de la bande sonore est intéressante, même si parfois l’on sent le plaisir de surprendre. Et le thème « en mineur » de la cécité partielle du jeune garçon est de ceux rarement abordés et qui joue ici un rôle central et émouvant dans ce film qui est très captivant. Et chose remarquable et rare, il n’y a pas un seul baiser entre adultes !
Roter Himmel de Christian Petzold
Deux amis partent pour un séjour dans la maison de campagne des parents de l’un d’eux. L’autre est écrivain, à la recherche d’un endroit calme pour travailler. Une personne occupe de façon inattendue ce lieu proche d’une plage dont le surveillant rejoindra le trio, auquel s’ajoutera ensuite un éditeur.
Espace clos à l’exception d’un ravitaillement en grande surface et de la fin qui se passe ailleurs, une dynamique de groupe très passionnante à suivre et des enjeux souvent d’une puissante symbolique, tout cela crée une histoire apparemment banale, une succession de petites choses de la vie quotidienne. Mais les protagonistes vont révéler de leur personnage des aspects inattendus qui feront « avancer » le récit qui se déroule dans une atmosphère de plus en plus pesante.
Le ciel rouge apparaît petit à petit car un incendie fait rage, au loin. Ce qui nous vaut des passages sonores et inquiétants d’avions et d’hélicoptères. Un vent permanant secoue les arbres qui en deviennent bruyants, et l’évolution de ce feu va nous amener d’impressionnants retournement de situation. Cet été 2023 si souvent marqué par des incendies, crédibilise hélas ce drame imaginé in tempore non suspecto. Ce n’est pas un film opportuniste, mais il montre et fait entendre la désolation du ravage des flammes dans la forêt.
Le réalisateur dont nous avions vu Phoenix et Transit est un allemand qui travaille les thèmes douloureux de son pays avec un sens exceptionnel des atmosphères, des personnages mystérieux, habités et complexes. Celui interprété par Paula Beer est particulièrement attachant, elle qui a tourné Transit avec ce réalisateur, Frantz avec Ozon et Werk ohne Autor d’un autre réalisateur allemand.