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Review Talking about Trees

En sortant de la projection de « Talking about Trees », on se pose la question, à l’instar de Montesquieu : mais comment peut-on être soudanais ?!

Ce documentaire (dont on à peine à croire qu’il n’est pas pure fiction) suit quatre vieux amis cinéastes soudanais, Ibrahim, Suleiman, Manar et Eltayeb. Ils se connaissent depuis près de cinquante ans. Depuis qu’ils ont suivi dans les années soixante ou septante des cours de cinéma à Moscou. Mais, depuis que le très autoritaire Omar el-Béchir a pris le pouvoir et instrumentalisé à son profit la religion musulmane, il n’y a plus de cinéma au Soudan, même plus de salles de projection. Or, leur rêve, c’est justement de rouvrir un vieux cinéma de Khartoum et d’y refaire des projections régulières, même si entre temps la salle est entourée de plus en plus de mosquées et que les prêches des muezzin au haut-parleurs perturbent le calme du quartier. Les multiples complications bureaucratiques, la sûreté de l’état, et les autres administrations mettent sur leur route chaque fois de nouveaux obstacles à leur projet. Mais ils persistent avec une douceur nonchalante, tout en se projetant de vieux 16 mm et en caressant de vieilles boîtes de pellicules.

Ce beau film est signé Suhaib Gasmelbari, cinéaste de quarante ans qui n’a jamais connu d’autre régime dans son pays jusqu’à la très récente mise à l’écart de l’horrible el-Béchir poussé vers la sortie par des manifestations populaires. La beauté de la lumière, l’émotion devant la passion des quatre protagonistes, l’impressionnante salle abandonnée, tout cela donne à ce film magnifique une poésie, une douceur et la nostalgie du cinoche de jadis, dont on se rend compte qu’elle est aussi vivace en nous que chez de vieux Soudanais !

Alain Berenboom

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