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Le billet d’humeur de Francis de Laveleye

Double vie de Olivier Assayas
Le réalisateur et incontestablement une personnalité phare du cinéma, dont les films sont chaque fois écrits hors des chemins battus. Clouds of Sils Maria avec Juliette Binoche déjà, m’avait laissé un souvenir très fort, en particulier par le traitement très subtile des relations psychologiques entre personnes proches, liées par les événements de la vie.
Les dialogues, ici, sont ciselés, du Sacha Guitry de toute bonne qualité, pince sans rire, caustique.
Des amis proches, par les souvenirs anciens, par le travail, se retrouvent pour dîner en ville, les uns chez les autres,vautrés dans des canapés trop profonds, mal assis sur des chaises étroites ou des murets durs aux fesses, les assiettes en équilibre sur les genoux, les verres de vin de qualité, menaçant les robes de couturiers et les pantalons de bonne facture. Les conversations sont typiques : les uns dégoisent, les autres s’ennuient, guettant le petit détail qui fait tache. Et les retours en tête-à-tête, chacun chez soi, déclenchent la foudre des questions : ” Mais qu’est-ce que tu as voulu dire ? Tu n’aurais pas dû parler comme ça ! T’as vu sa tête quand il a entendu cette remarque…” Bref, des ” dîners entre amis ” qui sont parfaitement décrits et qui cachent (mal) le fait qu’ils sont tous un peu échangistes honteux. ” Tous cocus ” aurait pu être le titre de ce qui est, en effet, une double vie.
Mais il y a un certains nombres de conversations qui interpellent car elles abordent des ” vrais ” questions, comme il faut dire maintenant, celle du passage au tout numérique. Dans le milieu de l’édition, les questions que cela soulève sont d’une grande complexité et elles sont abordées ici avec nuance et avec autant d’humour que de sérieux.
Une comédie française comme il y en a trop peu, car elle n’abrutit pas, en mélangeant un peu de Vaudeville, d’humour dégraissé et des sujets qui ne sont pas à prendre à la légère. Un double plaisir en quelque sorte, pour le spectateur aussi.

cc Artemis Productions

Escapada de Sarah Hirtt
Il y a des films adolescents, par leur style, par leur sujet. Il est question de la gestion d’un héritage, entre 2 frères et une sœur, une maison en Espagne, qui  est occupée, l’on pourrait dire squattée, par l’un des frères qui veut y vivre en marginal, avec des copains idéalistes, façon Larzac ou néo écolo. Évidemment le conflit est frontal avec l’aîné qui veut vendre. La sœur elle, est hésitante, joyeuse, un peu allumeuse. Le rôle est tenu par Raphaëlle Corbisier qui est magnifique de naturel, lumineuse et qui va certainement faire parler d’elle très vite.
La mise en scène est très explicative, sans grande surprise, d’un style un peu pataud, on sent qu’il a fallu faire vite, que les moyens et les ambitions sont encore très scolaires. Ce qui n’enlève rien à la sympathie que le film suscite par son côté marginal culotté, par cet esprit de groupe qui essaye de donner un style ” film chorale ” mais qui fait surtout un peu désordre.
Le titre est une erreur, qui ne dit rien du film, la réalisatrice est inconnue, il n’y a pas de ” vedette “.
Alors, qui va aller voir ce film ? C’est regrettable, car il ne manque pas de talents mais par bouffées, des petites scènes bien réussies, des petites idées originales. Le cinéma belge francophone n’a pas encore trouvé là l’événement qui va remplir les salles. Alors, allez-y car c’est une leçon de cinéma sur la faiblesse du style, sur la fragilité du scénario, sur l’amateurisme du jeu d’acteur. Mais c’est sympa, l’ambiance est chaleureuse, l’envie de bien faire est palpable.

Francis de Laveleye

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