0

Le billet d’humeur de Francis de Laveleye

Unga Astrid (Becoming Astrid) de Pernille Fischer Christensen
Un enchantement, de raffinement, d’émotion, d’originalité et de maîtrise.
Nous sommes en Suède, au début du siècle dernier et l’histoire est celle d’une femme, encore très jeune, qui va être soumise à des épreuves sociales, morales, d’une incroyable violence, tout cela ” sur le souffle “, comme il convient, lorsque la réputation d’une famille, d’un clan, est à préserver.
La comédienne assume le poids immense de ce rôle, avec une fraîcheur magnifique et un talent éblouissant. Car le rôle est écrasant et se déploie sur plusieurs années. Le père, comme la mère, sont admirablement campés et leurs personnages sont, eux aussi, d’une immense difficulté.
Tout cela se déroule dans un environnement superbe, rural, où les saisons sont bien marquées qui cadencent, à leur rythme lent, l’évolution du début de cette vie, celle de Astrid Lindgren, une célèbre auteure pour enfants, de nationalité suédoise. J’avoue ma totale ignorance de son œuvre, sauf le Fifi Brindacier qui est resté dans toutes les mémoires.
Ce qui me parait passionnant, c’est le choix, par les scénaristes, de la période de vie exposée : entre le moment où Astrid arrive à la posture d’une jeune femme désirable, jusqu’à ce qu’elle puisse assumer son destin et son talent d’écrivaine, dont le film ne révèle, à vrai dire, pas grand chose.
Donc un biopic qui ne vaut que par l’observation intime d’un moment de vie, peu ordinaire. Et bouleversant.
La beauté de chaque image, des décors, des accessoires, une vue même d’un bateau à vapeur, tout cela contribue à la fascinante élégance du film. Un détail technique que vous apprécierez, c’est l’usage très général des focales un peu longues qui accentuent la magnifique beauté des plans-portrait, des moments d’intimité où la complexion, le regards, les coiffures, ajoutent à la délicatesse de ce que l’on voit. Le récit est très bien mené, avec un sens des durées, des enchainements, comme des ellipses, qui donnent au film ce mélange de fluidité et de fermeté de la structure qui laissent le spectateur suspendu pour connaître la suite.
Un film à ne pas manquer car il ne semble pas avoir été encore assez mis en lumière, et son affiche ne donne aucun des signes qui pourraient attirer un large public que la musique, e.a. charmera aussi. Le piano, le violoncelle, tantôt seul, tantôt ensemble, parfois avec orchestre, expriment parfaitement les états d’âme de cette femme mise à l’épreuve de sa propre émancipation.

cc Cherry Pickers

Wildelife de Paul Dano
Nous voilà dans le Montana, au début des années 60. Nous y faisons connaissance avec un couple, sympathique, charmant, très middle class,  bien comme il faut, avec un fils adolescent tellement modèle que vous l’adopteriez tout de suite.
Et toute l’astuce du scénario consiste à prendre le point de vue de cet adolescent pour suivre, durant une période assez longue, l’évolution complexe du couple de ses parents.
Tout cela se passe dans un environnement que la photographie, le style si joliment reconstitué, mais la désolation territoriale aussi, rendent très intéressants.
Il n’y a pas d’événements spectaculaires, pas de retournements imprévisibles, tout se déroule de façon ” ordinaire ” et très subtilement montrée.
Jake Gyllenhaal est remarquable d’intériorité. Il avait déjà été brillant dans Jarhead et Brokeback Montain. Trois films encore avec cet acteur remarquable d’intériorité : Incendies, Everest  et Demolition . Son épouse, dans le film, Carey Mulligan, a commencé aussi sa carrière très jeune et elle avait marqué e.a. dans Les Suffragettes . Ici elle est particulièrement convaincante dans ce rôle tout en nuances, mais aux variations très contrastées. Un cinéma très travaillé dans l’écriture du scénario, qui attache par la subtilité de ce qui est conté, montré et ressenti tout au long du récit.
Une chose que je ne comprends pas, c’est l’affiche qui ne donne aucune envie de quoi que ce soit.

Francis de Laveleye

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *