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Interview Chloe Thielemans

Chloe Thielemans est une costumière qui a travaillé sur quelques très beaux projets, tels la série anglaise « The Missing : second season», la série flamande folle « Generatie B », le court métrage « Betelgeuse » par Bruno Tracq et même le clip de Stromae « Ta fête ». Elle a aussi travaillé à la Monnaie, l’opéra de Bruxelles. Une rencontre avec elle nous donne l’occasion de plonger dans les garde-robes du cinéma et de la télévision…

Qu’est-ce qui vous a décidé à  faire ce métier ?

Après avoir raté l’examen de scénographie à la Cambre, j’ai décidé comme beaucoup d’autres étudiants de m’inscrire à la H. E. Fransisco Ferrer en stylisme. En deuxième année, j’ai dû dessiner et faire un costume pour la tragédie « Médée » d’Euripide et j’ai adoré. Mon rêve, c’était de travailler à la Monnaie ou au Cirque du Soleil. Après mes études, à l’aide d’une bourse Actiris j’ai trouvé un stage professionnel à l’opéra de Toulouse (au Capitole pendant 6 mois). Avec le portfolio de mon travail en France, j’ai été engagée à la Monnaie. D’abord de façon ponctuelle puis sur plusieurs spectacles quand une place s’est libérée en habillage.

Quel était votre rôle au sein de la Monnaie ?

(copyright Opera Toulouse)

Travailler dans l’atelier. Chaque spectacle nécessite des costumes sur mesure. On ne réutilise pas les costumes sauf en tournée. Il faut tout dessiner. Chacun à son propre costume que ce soit le soliste ou les figurants. C’est une très grande équipe et chacun a son poste : costumière, chef atelier, couturière, habilleuse. Je suis devenue assistante couturière. Je ne dessinais pas mais je cousais et recousais les costumes. Dans une très belle ambiance. Après, je suis devenue habilleuse. L’habilleuse s’occupe du costume après qu’il soit créé. On doit donner le bon costume au bon moment et on doit le garder en état. Il doit être comme neuf pour chaque représentation.

Pourquoi ne pas être restée à la Monnaie ?

J’y suis pas restée ! C’était un boulot fixe or je voulais voir ce dont j’étais capable ailleurs, faire du cinéma, des séries. Mais j’aimerai y retourner un jour.  Entre les spectacles de la Monnaie, j’ai aussi travaillé dans la pub. Après mon entretien d’embauche à la Monnaie, j’ai croisé une amie qui m’a recommandé une excellente styliste, Nathalie Lermytte. Je l’ai rencontré dans son atelier où elle conservait tous les costumes qu’elle utilisait pour les pubs sur lesquelles elle travaillait. Mon premier boulot, c’était pour les Magritte du Cinéma. Je suis devenue son assistante.

La pub doit être un tout autre monde, avec d’autres budgets et d’autres attentes qu’à la Monnaie ou la télévision ?

(©Grand Lait)

Les pubs sont un monde à part. C’est le client qui choisit, pas le réalisateur. C’est moins artistique car c’est une œuvre de commande. Par contre, quand on fait une robe sur mesure, on nous laisse la liberté de faire notre propre design. Par exemple, sur mon premier projet, je devais faire une robe qui ressemblait à du lait, donc qui devait avoir l’air liquide. Je me suis servie de soie et la robe que portait la danseuse donnait l’effet de vague qui se transformait en gouttes. Les pubs demande une semaine de préparation et le tournage une journée. La journée même, il faut que la robe ne soit jamais froissée, donc il faut parfois la recoudre ou la repasser.

Quelle était votre première expérience cinématographique ?

Un court-métrage avec Lubna Azabal ( « Betelgeuse ») que j’ai adoré.

Après, j’ai travaillé sur une série web en co-production avec la RTBF : « Typique live ». Très marrante car elle était en live sur trois décors. On ne pouvait rien cacher. Lorsque nous n’avions pas de temps pour le changement de costumes, les acteurs devaient mettre plusieurs couches. On devait s’organiser avec le micro. Il n’ y avait pas beaucoup de temps pour changer les costumes. C’était très intéressant. C’était ma première expérience comme chef costumière.

Concrètement en quoi consiste le job de costumière dans le monde du cinéma et de la télévision ?

Je dois habiller acteurs et figurants. Trouver les costumes qui correspondent à la personnalité des personnages et les adapter aux acteurs.

En pratique, le producteur t’appelle parce qu’il a entendu parler de toi. Et la production te donne le détail de ce qu’elle attend de toi. Parfois, il y a aussi une interview.  Pour la série anglaise « The Missing » par exemple j’ai fait une interview pour le poste de l’assistente et standby costume.  Nous étions trois en lice. On nous a donné deux semaines de préparation pour lire le scenario plusieurs fois, préparer les documents de continuité (raccords) par personnage acheter des costumes, l’essayage et faire les retouches.

Comment trouvez-vous les costumes adéquats ?

Il y a des « stocks » spécialisés pour les costumes de militaires, policiers, pompiers etc, en Belgique. Certains professionnels louent aussi des costumes. Mais le plus souvent, la production préfère les acheter car ils peuvent être abimés pendant le tournage. Après, la production les conserve pour les réutiliser.  Il faut lire le scénario afin de savoir dans quel univers se déroule le film, à quelle époque, et habiller les acteurs en fonction de la personnalité des personnages, leur rôle, leur statut social.

La costumière est appelée quelques semaines avant le début du tournage. Par conséquence, c’est le rush avant et pendant le tournage surtout que le scénario change souvent pendant la production. Je dois faire des fiches précises, de fiches de raccords,  pour chaque costume de chaque acteur. Ainsi, si la scène doit être refaite, on sait ce qu’il portait ce jour-là dans cette scène. La journée est très structurée et oblige à une collaboration avec plusieurs départements surtout dans des gros projets comme « The Missing ».

Comment choisit-on un costume ?

En collaboration avec le réalisateur. Souvent, il a une idée de départ qu’on alimente en lisant le scénario, en regardant le profil de l’acteur. La production ne nous laisse pas dans la jungle, elle donne des références pour entrer dans la tête du réalisateur, on utilise le moodboard du réalisateur/producteur.  Et puis on fait les recherches sur les caractères des personnages, leur rôle dans le film.

Comme vous l’avez dit, un tournage est une collaboration entre plusieurs départements, mais le réalisateur reste le plus important personnage, non ?

Nous travaillons surtout avec l’assistant-réalisateur. En Belgique, c’est plus flexible ce qui est plus facile. Mais il faut trouver le bon moment, ne pas être dans le chemin sur le plateau, respecter la concentration.

Parmi tous vos tournages, quel est votre plus beau souvenir ?

(© Benjamin Brolet)

Mon plus beau souvenir professionnel c’est le clip de Stromae (« Ta fête »). C’était un de mes premiers, tombé par hasard. J’avais travaillé sur une pub avec une collègue. On avait remarqué que je savais coudre et que je venais avec ma machine à coudre ! Comme la production du clip avait besoin de quelqu’un rapidement, j’ai sauté sur l’occasion.

L’équipe était très chouette : une costumière d’Anvers Judith Van Herck et Coralie Barbier, la femme de Stromae, qui dessinait les vêtements. C’est moi et ma collègue anversoise qui avons fait les costumes. On ne se connaissait pas, on était obligée de travailler ensemble dans son atelier à Anvers et cela s’est très bien passé. Le tournage a duré 3 jours, mais la préparation a pris 2 semaines. Après les dessins de Coralie, moi et ma collègue on a tout fait y compris l’achat des tissus, des chapeaux etc. Puis les costumes pour les participants au clip et les costumes sur mesure pour les cascadeurs hollandais.  C’était vraiment sympa.

Comment s’est passé le tournage ?

Mon job commence très tôt. Sur ce tournage, on travaillait à Courtrai dans un vieux hangar.  La production se charge de l’organisation : une petite tente pour les costumes, pour la nourriture, le maquillage etc. Les costumières, maquilleuses et coiffeuses arrivent d’abord et doivent préparer tout le monde puis aller sur le tournage. Le hangar était si poussiéreux qu’on portait des masques et si grand que je me baladais avec ma banane dans lequel se trouvaient mon matériel de plateau, setbag parce que nous n’avions pas le temps de retourner dans les tentes. Pour salir les habits, on utilisait la poussière par terre.

Des exemples de films contemporains qui vous ont impressionné ?

La série « The Crown » et le film « The Revenant » sont des projets impressionnants. Techniquement,  les réalisations de ces projets sont assez incroyables. Et aussi  « The Revenant » dans des conditions affreuses avec la neige et le froid glacial.

Quand j’étais jeune, mon rêve était de travailler au Cirque du Soleil, que je trouve magnifique.

 

Pour plus d’informations visitez le website: http://www.chloethielemans.com/

Stanley Berenboom

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