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Review de Sick of Myself de Kristoffer Borgli

Je me rends malade pourrait être une tentative de traduction pour ce titre d’un film fascinant et tout à fait original. Le scénario écrit par le réalisateur qui assume aussi le montage, est admirablement interprété par nombre d’actrices et acteurs norvégiens peu ou pas connus ici. Il prose un récit extraordinaire, que certains qualifieront de « fantastique voire d’horreur ».

Nous sommes amenés à suivre l’histoire de gens « normaux » vivant à Oslo. Lui est un artiste en recherche de reconnaissance, aussi narcissique qu’ambitieux. Son amie est une modeste serveuse qui assiste à un événement très traumatisant pour elle mais qui la propulse soudain et brièvement en « vedette médiatique ». Sans doute souffre-t-elle déjà de quelques fragilités psychologiques qui la dépriment. Alors la tentation de recourir à la pharmacie (en ligne…) est grande. Un mot sur le médicament qui sera le déclencheur d’une histoire absolument extravagante, le Lidexol. C’est le vrai nom d’un médicament dont les producteurs se définissent dans un communiqué de presse publié après la présentation du film à Cannes, comme « une entreprise de bien-être mental qui s’efforce d’améliorer la vie des personnes en difficulté ». Dans le film, l’origine des médicaments est explicitement russe. Réponse du fabricant : « Il est vrai que cette entreprise a été fondée en Russie, mais au cours des dernières années, nous sommes devenus une marque mondiale. (…) et nous sommes fiers de nous appeler une entreprise à identité fluide ». Pour les spécialistes, le principe actif de cette drogue est le fluocinonide.

Ce film n’est pas une charge contre l’industrie pharmaceutique, mais il est une revue parfois cynique des comportements dysfonctionnels d’adultes envahis par leurs angoisses, leurs pulsions narcissiques, leurs besoins d’attirer l’attention, de devenir des modèles « aspirationnels ». La série de descriptions est éblouissante : groupe de thérapie, relations au médecin, à la presse, aux réseaux sociaux et leurs influenceurs, aux amitiés fondées sur le mensonge, phantasmes dont celui de ses propres funérailles qui sont un sommet dans le film, exemples d’inclusivité absolument hallucinants. Le recours à une superbe actrice souffrant d’agénésie transverse d’un bras (malformation de la main provoquée par une dysmélie) est le comble sans doute de l’exploitation de ces pathologies qui émaillent l’histoire du film, qu’elles soient psychologiques (cleptomanie ou l’histrionie e.a.) ou mentale (attention : vomissements fréquents !) ou physique comme la cécité.

Il y a une dimension « film choral » qui est magnifiquement exploitée lors de plusieurs repas qui sont filmés avec une virtuosité remarquable. Les altérations physiques de l’héroïne, sa dysmorphie, sont une brillante réussite qui n’exagère sans doute que légèrement certaines horreurs que les toxines botuliques provoquent ici ou là. Et qui font penser à cette mode du tatouage et des altérations du visage (et ailleurs ?) par piercings.

Vous remarquerez avec amusement que la seule constante physique assumée par l’héroïne de ce remarquable film est la couleur de ses ongles. Allez la découvrir, cela ne vous rendra pas malade et le rire est au détour de nombreuses séquences même celles assez trashs.

Francis de Laveleye

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